Chapitre II - 1
Pendant la semaine, je me suis fait
suivre par mes deux fidèles compagnons dès que j’allais au casier. C’étaient mes deux ombres protectrices qui
frissonnaient dès que j’entrouvrais la petite porte bleue de cette foutue boîte
en ferraille. Mais rien ne se passait. Pas de monstre gluant à notre poursuite,
pas d’événement bizarre, pas de dangers …
Anne, Laure et Tom furent ravis de
voir qu’ils n’avaient rien raté d’intéressants et que si ça allait se passer - allez
savoir ce qu’on met sous le « ça » ! -, ça serait avec eux. Mais
le destin en avait choisi autrement …
Leur classe était sortie à 12h et nous, on devait rester jusqu’à 17h30. Et ce fut durant ce laps de temps qu’arriva ce que nous redoutions. J’étais allée à mon casier, toujours accompagnée, de Lynan et de Lily. Lorsque j’ouvris la petite porte en fer, tout devint noir autour de nous et nous sentions le sol s’écrouler sous nos pieds.
Quand j’ouvris les yeux, j’étais
dans une clairière éclairée par un soleil brûlant. Mes compagnons ne s’étaient
pas réveillés et étaient toujours allongés et inconscients sur un tapis de
feuilles mortes. Mes yeux, éblouis par cette lumière abondante, ne pouvaient
voir les détails du paysage mais je savais que les arbres qui m’entouraient
étaient magnifiques avec leur feuillage jaune, orange et marron.
– Ça
va ? me demanda Lily à son réveil.
– Plutôt
bien mais j’ai du mal à voir autour de moi. J’ai l’impression d’avoir du
brouillard dans mes yeux.
– Ouais,
moi aussi. Lynan n’est pas réveillé ?
– Non.
– Ce
serait bien qu’il se réveille car on a besoin de lui.
– Pourquoi ?
– T’es
aveugle, ma parole ! Avec les yeux mi-clos, on ne voit quand même que plusieurs
dizaines de personnes nous encerclent.
– Ah,
oui. Tu as raison, dis-je en apercevant des silhouettes autour de nous.
– Votre
ami va bien ? nous demanda une voix inconnue.
– Je
pense que oui mais qui êtes-vous ?
– Les
habitants de ce monde. Chaque année, une personne arrive dans notre monde et
décide si elle y reste ou pas.
– Si
elle y reste ? dit Lily.
– Oui,
certains de vos « amis » décident de rester et vous les verraient
tout à l’heure. Alors, nous envoyons des copies d’eux dans votre monde.
– Nous
récupérons des copies ? m’écriai-je avec indignation. Vous nous rendez des
copies ?
– Oui
et nous faisons en sorte que la copie se fasse renvoyer de votre lycée. Nous
lui demandons de faire oublier à l’entourage de la personne l’existence de
l’être humain original.
– Vous
en savez beaucoup sur nous mais nous ne savons rien sur vous, dit Lily. Où
sommes-nous ?
– Dans
notre monde.
– Et
il n’a pas de nom votre monde ?
– Non.
Nous ne lui avons pas donné de nom car c’est le seul monde que nous pouvons
visité.
– Où
avez-vous appris à parler notre langue ?
– Nos
ancêtres viennent de votre monde et parlaient votre langue. Vous avez
construits votre lycée sur la porte qui menait à notre monde.
– Ce
n’est pas de notre faute, dis-je avec désolation. C’est pas nous qui avions
construits ce bâtiment.
– Quoi
qu’il en soit, le casier dont nous ont parlés les précédents arrivants est en
plein sur la porte. Elle s’ouvre à une période de l’année bien précise pour
permettre l’entrée dans notre royaume et une date précise pour ceux qui veulent
en sortir, une semaine après celle de l’entrée.
– Ça
explique tout, dit Lily.
– Mais
pourquoi avez-vous renvoyé des copies aussi cinglées ? demandai-je.
– Ce
sont des ordinateurs et ils ne parlent pas notre langue. Nous ne sommes pas
assez évolué pour leur apprendre notre langage.
– C’était
bien une autre langue qu’ils murmuraient sans cesse, dit Lily.
– Oui,
dis-je, perdue dans mes pensées. Tiens, Lynan vient de se réveiller, fis-je
remarquer à ma compagne.
– Ça
va Lynan ?
– Oui,
ça va les filles, dit-il en se frottant les yeux. Mais où sommes nous ?
– Bon,
on va simplifier, dis-je. Nous sommes dans un monde dont la porte est le casier
75C. Il est peuplé de gens qui habitaient avant dans notre monde.
– C’est
une blague, Sandra ?
– Non.
Je ne rigole pas. Mon casier est une porte qui donne sur un monde inconnu …
– D’accord,
dit Lynan avec incertitude. Nous sommes donc dans un autre monde peuplé de gens
de notre monde. Sinon, c’est tout ?
– Non
mais bon, on va pas te faire un discours, dit Lily.
– Bon,
je vous laisse ! déclara Lynan. Je retourne dans notre beau monde …
– Lynan,
c’est pas un jeu, lui dis-je. Et on peut y retourner que dans une semaine. On
est obligé d’aller dans leur village.
– Y
a forcément un moyen …
– Non,
y a pas moyen de s’enfuir avant d’avoir passé la semaine ici. Mais ça n’a pas
l’air mal comme monde ! lançai-je avec joie.
– OK,
je reste. De toutes façons, on n’a pas le choix.
– Non, on n’a pas le choix, dit Lily. Et si tu veux mon avis, je resterai bien ici au moins pour une semaine.
On se laissa guider vers le village
de ces étranges habitants. Mais nous avions tort d’appeler ça un
« village » car c’était une véritable mégapole. Immeubles,
gratte-ciels et autoroutes envahissaient le paysage. Nos yeux étaient ébahis
devant une telle technologie. Georges Lucas n’aurait pu faire un tel paysage
dans un de ses films. Ils étaient plus évolués que nous. Des robots ramassaient
les ordures et d’autres indiquaient le chemin aux passants. Mais ceux-ci
faisaient tâche au milieu de ce paysage futuriste, habillés de tunique blanche.
Pas de différences entre les vêtements féminins et masculins : ils étaient
absolument tous habillés de la même manière tels des clones.
Au milieu de cette ville moderne
trônait une cathédrale de style gothique. Et c’est dedans que nous allions. Un
homme se tenait au centre d’une gigantesque salle dont les murs étaient ornés
de peintures qui ressemblaient à celles de De Vinci. On avait l’impression de
changer d’univers en rentrant dans ce bâtiment. Il était l’intrus dans ce monde
digne de la science-fiction.
– Oh, voilà les nouveaux
arrivants ! s’écria l’homme qui se tenait au milieu de la cathédrale.
Allez-vous bien ?
– Oui, très bien, répondit Lynan. Ça
va. Mais on aimerais bien savoir où sommes-nous ?
– Dans le temple du savoir, nous
rétorqua l’étrange homme. Lui était vêtu d’une tunique mauve.
– Le temple du savoir ? s’écria
Lily.
– Oui, nous recueillons les
informations que nous donnent les gens de votre monde qui viennent ici. Ça nous
permet d’en savoir plus sur nos ancêtres.
– On peut vous refiler nos livres
d’histoire-géo si vous voulez, lança Lynan avec ironie. Mais vous vous en
lasserez bien vite.
– Vos livres doivent être
passionnants ! dit l’homme.
– On leur donne nos livres de
cours ? me demanda Lynan. C’est une bonne excuse pour ne pas aller en
cours !
– Oui, pourquoi pas ! Le
programme est nul cette année.
– Le programme ? interrogea
l’inconnu.
– Oui, le programme, répondit Lily.
C’est la liste de ce que nous devons apprendre dans une année. Et suivant les
années, on s’ennuie en cours.
– Qu’apprenez vous pendant ses
cours ?
– Le français, les mathématiques,
l’histoire, la science et plein d’autres choses toutes aussi ennuyeuses les
unes que les autres, s’écria Lynan.
– Arrête ! dis-je avec
méchanceté. Ils vont se faire une sale idée de notre monde.
– Ça y est. Elle est déjà calée dans
l’histoire des mondes. Si tu veux faire de la diplomatie, fallait pas venir
avec moi.
– J’avais remarqué !! Tu ne sais
que plaisanter ! Jamais rien n’est sérieux pour toi. Tu prends tout à la
rigolade à part tes foutues coïncidences.
– Ah oui ! Et bien, mes
coïncidences, tu peux te les mettre là où je pense ! cria-t-il avec rage.
– Où ? demanda l’étranger, d’un
air totalement paumé.
– Oubliez, monsieur, répondit Lise
gentiment. Arrêtez-vous, nous dit-elle beaucoup moins doucement. On dirait deux
gamins.
– Oui mais si cette saloperie ne sait
pas rigoler, c’est pas de ma faute, répondit Lynan, la rage brillant dans ses
yeux.
– L’humour va un temps mais il faut
savoir s’arrêter ! criai-je. Et ça ne fait pas partie de tes qualités
apparemment ! Ce qui est bien regrettable !
– Tu peux garder tes regrets pour
toi ! Mais sache que je peux être sérieux quand je le veux.
– Alors, tu veux très rarement.
– Bon, on arrête ?! me demanda
Lynan avec le sourire.
– Ouais … d’accord, déclarai-je avec
joie. On arrête …